– du 21 au 28 août 2019 –
On en avait tant entendu parler, de ce tour du Huascaran ! Une semaine à explorer le toit du Pérou sous tous ses angles, du nord au sud, d’est en ouest, sur des petites routes de montagne. Ça avait l’air loin, haut, dur, beau. Si beau. Rien que pour ça, on avait remonté le fleuve jusqu’à la vallée de rêve où l’on se la coulait douce depuis quelques jours. Alors à un moment, il fallait bien y aller ! Émilie s’était mis la pression pour rejoindre Huaraz en six jours. Résultat : le premier jour, après trente kilomètres à se faire tailler des shorts par les minibus de la route principale, Steph n’avançait plus. Y’a des moments comme ça, à vélo, où c’est la panne sèche. On n’était pas rendues !
Après ce faux départ et une nuit à Carhuaz, le lendemain nous débutions notre longue ascension vers le premier col de l’aventure de la cordillère blanche. Ça grimpait doux, il faisait bon, et après un virage, la claque : le Huascaran nous apparut, tout dégagé, tout blanc brillant de glace sous le soleil. Waouh !!! Arrivées à l’entrée du parc national, où nous allions passer la nuit, nous avions le sentiment d’avoir changé de monde depuis la ville tout en bas. On avait croisé d’adorables villages aux habitants paisibles qui vivent au fil du jour. Face à nous, toute la journée, cet aimant glacé nous hypnotisant, majestueux.

Assez tôt, nous installions la tente dans le couloir de verdure coincé entre les gigantesques sommets du parc du Huascaran. Le gars qui tenait la petite tienda/restaurante du coin nous posa mille questions sur notre épopée à vélo. Nous allions dormir dans son « jardin », contre un muret, dans l’espoir d’être épargné par le vent hurlant. Et quand vint le soir, il rangea ses 4 poules danse le sac de patates qui traînait dans un coin. Qu’est-ce qu’on a ri. Quand, toujours dans son sac, le coq entonna son chant du matin aux petites lueurs du jour, on ne riait plus. 4 heures du mat, même en voyage à vélo, ça fait mal !

Au lever, heureux constat: grand beau temps ! Mais comme le soleil ne vient jamais seul, le vent s’était lui aussi relevé, et, comme toujours, vent debout ! Nous fîmes front, et après une exquise matinée à franchir un plateau sauvage à souhait, et pas moins de 27 lacets, nous atteignions le célèbre col « Punta Olympica », à 4700 mètres au-dessus de l’océan. Le ciel s’était couvert, et quelques flocons venaient se poser sur nos joues, tandis qu’on admirait, un peu stones, les glaciers tout proches.

L’hypoxie aura sans doute participé à nous attirer toujours plus haut… Plutôt qu’un tunnel verglacé, nous préférâmes rejoindre l’ancien col par ce qu’il restait de la vieille piste du coin. #wrongway. Bien trop tard, on atteignait le sommet, pensant pouvoir filer ensuite jusqu’à Chacas, tout au fond de la vallée. Mais c’était sans compter les éboulements ci-et-là juste après le col, dont ce bout de piste tout entier qui avait bel et bien filé dans la pente. Ah, l’aventure ! A 18 heures, on rejoignait Chacas, village accueillant dont on ne connut que micro-lit d’une auberge providentielle dans lequel on s’écroula de fatigue. A la fin du jour, le ciel nous avait offert de magnifiques couleurs sur les sommets enneigés de l’après-col. Quelle journée.

Par la suite, on perdit totalement la notion du temps. Le matin, on se levait avec les poules, tantôt sous un toit, tantôt sous la tente, pour partir découvrir de nouveaux coins de nature. Y’avait vraiment personne, à part dans les villages improbables que l’on croisait en chemin. Quelle douceur. Un midi, alors qu’on pédalait sans personne depuis plusieurs heures, nous arrivâmes à la place principale d’un tout petit village au beau milieu d’une sortie de messe de mariage.. Difficile de dire qui d’eux ou de nous étaient les plus surpris de cette réunion fortuite..! En tout cas, dans cette région reculée du Pérou, nous n’aurons croisé que des personnes paisibles et souriantes, avec qui nous aurions bien passé plus de temps.

C’était rude aussi, on n’avançait pas vite sur les cailloux, et ça grimpait toujours un peu. Mention spéciale pour notre étape de dix-sept kilomètres au quatrième jour de traversée. A Yanama, après un somptueux col franchi de bon matin, y’anavamarre ! C’était un de ces petits villages improbables où l’on est surpris de trouver des gens qui vivent au centre de leur autre monde, alors qu’on a l’impression d’être parti explorer les confins du nôtre. Alors, après le déjeuner, on est restées, pour observer cet univers, dont personne ne s’imagine l’existence là-bas entre nos doux sommets de Chartreuse, Vercors et Belledonne.
La dernière ascension, qui devait nous mener au tant attendu col de Llanganuco, dura un jour et des poussières.


Après notre merveilleux bivouac au pied du glacier Contrahierbas, dans une vallée secrète où coulait l’eau la plus pure du monde, on commença à trouver le temps long. La piste était précaire, et quand la grêle s’invita à la fête, nous faillîmes l’espace de quelques instant. #hardtime. Mais la magie opéra (ouf), et au fil de l’interminable montée, le temps s’éclaircit, rendant à la haute montagne toutes ses teintes folles de la fin du jour. Désormais, nous étions cernées de glaciers que nous mélangions tant il y en avait, et les seuls êtres vivants croisés étaient des vaches laissées là à paître librement dans l’immensité. Pour qui aime vivre dehors, aller planter sa tente là-haut vaut toutes les peines du monde. On était nazes, mais heureuses !
Et quand le lendemain matin, nous nous hissames enfin au col, c’était pour découvrir, toutes émues, la chaîne de glaciers qui répond à la face nord du Huascaran. Dans l’ordre, le Huandoy, le Pisco, le Chacraraju… Tout ce blanc éclatant, le ciel bleu, et au fond les lagunes turquoises que nous allions rejoindre après une descente d’anthologie dans les lacets de la piste, plus caillouteuse que jamais, c’était l’apothéose !

Bientôt, nous retrouvions les sentiers battus de touristes venus là admirer les lagunes et le petit bout de Huascaran caché entre les roches. Il n’y avait pas foule, mais c’était déjà le début de l’autre monde, quitté quelques jours plus tôt, où nous allions doucement atterrir pour quelques jours de repos à Huaraz. On n’avait pas atteint les sommets de la cordillère blanche, mais pour nous, c’avait été encore mieux, l’expérience la plus folle de notre aventure à vélo. Quelle chance d’avoir pu traverser cette immensité de glace avant que les suivants ne la voient disparaitre…
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très beau récit …
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Chouettos.
Votre prose n est pas sans rappeler notre bon vieux François René…
Bisettes
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