Traversée du salar de Coipasa

– du 15 au 17 octobre –

Trois kilomètres après Sabaya, on trouve une piste qui part plein sud, vers le salar de Coipasa. Là s’arrête l’asphalte, et jusqu’au Chili, ce ne sont que cailloux, sel, et sable. Miam. Nous étions prévenues, alors en quittant la route pour rejoindre le salar, on n’était pas sereines !

Les dix premiers kilomètres de piste devaient nous faire découvrir la fameuse « washboard » qui forme la plupart des chemins de terre de la région. Au bout d’une heure à rebondir sur nos selles comme sur un cheval au trot, sacoches toutes bringuebalantes, on avait déjà envie d’une pause choco. Elle allait être longue, cette traversée ! Mais le temps était au beau fixe, sans l’once d’une brise, et l’on devinait (plus qu’on ne voyait) un peu plus loin la deuxième plus grande étendue de sel du pays. On n’était plus proches que jamais ! Après avoir bifurqué plein sud en quittant la washboard, au minuscule village de « Buen Retiro», on s’élançait enfin sur la croûte de terre salée qui allait nous mener au salar proprement dit. Nous roulions désormais sur un sol strictement plat et tout croustillant, parsemé de véritables rochers de corail fossilisé.

juste après Buen Retiro

On avait vu ce paysage une fois avant, c’était au fond de la belle lagune de l’île de Mayotte. Sauf que là, sans eau, forcément, la faune avait déserté les lieux depuis des millénaires. Nous croisâmes tout de même un bolivien qui marchait là, à peine surpris de nous voir naviguer à tâtons au milieu de nulle part. On pensait être en train de se perdre, mais lui nous assura qu’on faisait bonne route. En effet, quelques instants plus tard, le sol s’éclaircit. On avait atteint le salar !

En arrivant sur le salar, avec au loin l’île de Coipasa

Nous avions lu qu’il était compliqué à traverser à vélo, car contrairement au salar d’Uyuni, sa surface reste humide même en saison sèche. Effectivement, ça collait un peu aux roues, c’thistoire ! Mais ce n’était pas si terrible, et avec un peu d’huile de genoux, on n’avançait pas trop mal.

Peu à peu, la petite colline au nord rétrécissait dans le rétro. Nous perdions tout repère, et naviguions sur une mer d’huile d’un blanc éblouissant, parsemé de cristaux de sels qui nous secouaient à chaque instant.

loin de tout

C’était une sensation toute nouvelle, pas évident mais amusant ! On tentait de suivre les traces de 4×4, dans lesquelles nous parvenions mieux à décoller les roues du sel collant. Chaque fois, la trace finissait par s’éloigner de notre cap, alors on tirait plus vers l’est, jusqu’à en trouver une autre. C’était crevant ! Heureusement, nous pouvions suivre le cap de l’île de Coipasa, que nous espérions atteindre avant la nuit. C’est un bout de terre situé au milieu du salar, qui abrite le village du même nom, seul lieu habité du coin.

A midi, on avait déjà fait mille pauses photos, chocos, et récup’ de tous ces cristaux de sels à franchir. Y’en avait plein les bécanes, et le soleil nous brûlait malgré les couches de crème solaire accumulées. Alors pour le déjeuner, on s’improvisa une petite cabane au milieu du désert, en tendant notre bâche militaire entre les deux vélos, pour déguster à l’abri ce qu’il nous restait du regretté bout de frometon de Tiphaine. Quelle sieste s’ensuivit, mes amis ! Nous étions rincées !

Heureusement, la journée était encore longue, et on avait largement le temps de rejoindre Coipasa, que nous aperçûmes un peu avant 15 heures, caché derrière le bout de l’île du même nom. Pour l’atteindre, il fallait encore jouer les bulldozers dans les croutes de sel craquelées du salar qui borde l’île, puis dans la soupe de sel collante à souhait de l’eau qui s’écoulait du village. Quelques flamands roses en avaient d’ailleurs fait leur logis. Re-Miam. C’était galère, mais tellement beau ! Bon, y’avait aussi plein de sacs et bouteilles plastiques aux abords du village, pour nous rappeler la Bolivie…

Au village, pas grand monde, hormis une vieille dame sur la place centrale, qui vint nous parler en aymara avec son grand sourire édenté. #riencompris. Par miracle, une petite échoppe cachée au coin de la place allait nous permettre de nous ravitailler. L’eau du coin était un peu trop salée à notre goût, et cette fois pas le choix, nous dévalisâmes le stock d’eau en bouteille (soit 2x2L…) du sympathique gars de la tienda. Après un brin de papote et de chaleureuses (et inattendues) embrassades, nous étions parées pour la suite ! Il était encore tôt, et nous allions avoir le temps de poursuivre jusqu’à l’extrémité sud-est de l’île pour y bivouaquer, plutôt que de dormir dans l’unique hospedaje du coin où, nous avait-on dit, les draps étaient rarement changés entre chaque cyclistes de passage. Ouf !

Pour atteindre ce spot de bivouac, qu’un cycliste avait appelé « paradise » sur l’appli I Overlander, nous reprîmes la route du salar. Le soleil avait baissé, pourtant l’océan de sel continuait de nous éblouir, surtout après la pause sur la terre ferme au village. Cette fois, ça roulait bien, car en s’éloignant suffisamment du bord de l’île, le salar était parfaitement sec.

Au loin, côté est, on distinguait des tas de sel des exploitations du salar. Autrefois, ils utilisaient les lamas pour transporter le sel. Il faut croire que ces derniers avaient gardé leurs vieilles habitudes, car ils continuaient à se promener en troupeaux d’une île à l’autre, sans chargement aucun. C’était comme voir un troupeau de vaches marcher paisiblement sur l’eau, assez cocasse ! Au-delà des quelques îlots de cactus qui longent la côte est de l’île de Coipasa, nous débarquâmes sur une petite pointe orientée plein est, pour y monter la tente sur un tapis d’herbe caché entre les rochers de corail,et y admirer la fin du jour sur le salar, en compagnie d’une colonie de flamands rose.
De tous les campements de Bolivie, celui-là restera notre plus doux souvenir de tranquillité au grand air. C’était fabuleux !

fin du jour sur le salar de Coipasa

Le lendemain, à six heures pile, le soleil pointait son nez. Les flamands roses, cette fois violets dans la lumière du petit jour, n’avaient pas bougé d’une plume. Chaque seconde, la couleur changeait, et nous peinions à décrocher le regard de ce spectacle grandiose, si bien que le départ ne fut pas très matinal.

lever du jour sur le salar de Coipasa

Quand nous fûmes fin prêtes, le soleil était déjà haut dans le ciel.
C’était reparti pour une journée de navigation en plein salar, avec l’objectif de rejoindre le petit village de Luca, au sud-est du salar, pour éviter au maximum la route sableuse qui relie la sortie sud du salar aux villages autour.

Cette fois, il n’était plus possible de suivre les traces de 4×4, et c’était vraiment la mission, de jongler entre les aspérités du sol : tantôt collant, tantôt inondé, tantôt croustillant… Le pire, c’était quand les cristaux s’aggloméraient entre eux de façon à former de vrais gros blocs de sel, comme de la mauvaise neige trafollée que l’on peine à skier.

les derniers mètres sur le salar, croustillants !

On avait beau kiffer, pédaler entre 7 et 10 kilomètres/heure secouées comme de vieux pruneaux, sous un soleil de plomb et dans un souffle d’air, c’était dur ! Le relief de la côte au loin, qui nous servait de cap, se rapprocherait-il un jour ??

Nous devinions des formes au loin sur le salar, cela ne nous étonnait pas qu’un humain puisse se trouver là à se promener seul au beau milieu du désert. A chaque fois, la forme s’avérait être un pot d’échappement, un bout de pneu ou une vieille carcasse de voiture abandonnée… Évidemment.

Arrivées sur la terre ferme, à mi-chemin entre Tauca et Luca, on se sentait comme après une virée en mer : crevées, cuites, salées, éblouies, mais surtout émerveillées d’avoir traversé un monde si différent de ce qu’on avait connu jusqu’alors. Quelle merveille !!!

petite pause sur la terre ferme

Les derniers kilomètres s’avérèrent moins sableux qu’attendu. On avait finalement réussi notre coup, et évité une bonne dizaine de kilomètres a pousser les vélos dans le sable. You-pi !

un peu de washboard avant Luca

A Luca, petit village paisible bordé de champs de quinoa, point d’hôtel. On demanda d’abord la permission de planter la tente près de l’école, comme le font souvent les cyclistes de passage. Mais le responsable n’étant pas là, c’était compliqué… Nous fûmes conduites à la petite boutique située à la sortie du village. Au final, notre projet bivouac se transforma en hébergement gratuit dans une pièce à l’abri du vent, avec deux matelas de paille et accès à l’eau. En bonus, la traditionnelle répèt’ de fanfare des collégiens du coin accompagna notre session désalage des vélos. On était bien ! Après avoir été photographiées par la moitié des ados du village à la sortie de l’école, dévoré 400 grammes de pâtes sauce tomate, et papoté avec notre hôte, il ne fallut pas longtemps pour que l’on s’endorme à points fermés au chaud dans nos duvets.

Le jour d’après, il nous restait un peu plus de 30 bornes pour rejoindre Salinas, un peu au nord du salar d’Uyuni.

En quittant Luca

Ce jour-là, pas mal de sable sur les premiers kilomètres, mais on était en forme après notre super pause à Luca, et assez tôt nous arrivions à Alcaya, où l’on avait entendu parler d’un site archéologique à visiter. Il y avait là les vestiges d’un village pré-inca, avec quelques restes de momies plutôt bien conservées… La visite se faisait en compagnie d’un guide local, sur initiative communautaire. Steph avait hâte de voir ça ! Seulement, une fois sur place, grosse déception. Le village était désert. Tous étaient aux champs pour planter le quinoa. Nous l’apprîmes après, il aurait fallu prévenir de notre venue pour que le guide local nous accueille. Echec.

Un peu avant 14 heures, après une petite côte, nous étions rendues à Salinas, et dégotions un super hôtel sur les hauteurs du village. De notre chambre, nous pouvions admirer la rive nord du Salar d’Uyuni, lumineuse, pleine de promesses. Enfin, nous y étions !!!

juste avant Salinas, avec, au loin, le salar d’Uyuni !!!

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