– du 10 au 17 novembre 2019 –
Après 3 jours (bon, oui, 5) de repos bien mérité à San Pedro De Atacama, nous étions prêtes à repartir traverser une nouvelle fois la cordillère des Andes, pour rejoindre l’Argentine via le Paso Sico.
Les soixante premiers kilomètres au sud de San Pedro devaient nous faire traverser le désert d’Atacama. C’était grand, sublime, lumineux, et plutôt plat, de telle sorte que nous ne fîmes pas de pause pendant bien deux-trois heures après le départ. C’est là que revint la question qu’on commençait à se poser depuis quelques centaines de bornes : pourquoi, après presque 5000 kilomètres, ces f***ues selles Brooks ne s’étaient-elles toujours pas assouplies ?!! Bientôt, nous passions le tropique du Capricorne, non sans émotion. Quatre mois plus tôt, nous franchissions la ligne de l’Equateur. Ça nous paraissait si loin ! Puis les choses se corsèrent un peu. Nous retrouvions un vieil ami, le dénivelé. Bien que la Bolivie soit haut située, elle est plutôt plate. Sacrées retrouvailles, donc. Après quelques heures de montée sous un soleil de plomb, nous atteignions Socaire. Il était déjà 18 heures, mais le soleil était toujours haut dans le ciel. L’arrivée au Chili avait sensiblement rallongé nos journées, et c’était tant mieux !

A Socaire, peu de vie. Assez vite, nous trouvions un logement bon marché, avec literie propre, salle de bain privée, et même … la télé ! Quelques instants après notre installation dans la chambre, le gérant vint papoter, de notre voyage, et de son autre métier, celui de garde du parc national tout proche. De fil en aiguille, l’hébergement bon marché devint hospitalité offerte, par un sympathisant de notre aventure à vélo. ! Estupendo !
Après une soirée cinéma (on avait enfin fini de rerereregarder les Harry Potter) et une bonne nuit de sommeil, nous repartîmes de Poudlard Socaire, prêtes à rejoindre la lagune d’Aguas Caliente ou site de Piedras Rojas ou salar du même nom. A vrai dire, aujourd’hui encore, on n’a pas très bien compris quel lieu s’appelait comment, puisque là-haut, les « piedras rojas » surplombent le salar d’Aguas Caliente, qui est aussi une lagune… Tout se mélange.
Soyons honnêtes, la première partie de la journée fut difficile. Nos jambes avaient déjà oublié les pentes d’Equateur et de Colombie, les ingrates. La vue était plus belle à chaque vallon, mais ça n’en finissait pas de grimper ! Heureusement, tout s’arrangea quand le vent se fit notre allié. Nous n’avions presque plus besoin de pédaler, et à la fin de la journée, même si le temps s’était couvert, on pouvait admirer pleinement les superbes panoramas qui s’offraient à nous.



Nous arrivâmes au col, et là, quelle surprise (encore) ! Nous avions déjà vu tellement de paysages exceptionnels, que nous pensions y être habituées. Et pourtant… Une lagune turquoise, entourée de falaises rouges et de quelques vieux volcans saupoudrés de neige, tout ça entre chien et loup (il y avait aussi des renards)… C’était bluffant. Bon, avec ce ciel couvert, on n’a pas tenté beaucoup de photos, mais croyez-nous sur parole, cette lagune d’Aguas Caliente, sur la route du Paso Sico, vaut bien un détour de plus si vous partez explorer des Andes.

Après une pause admirative, il nous restait à trouver un coin de bivouac pour la nuit. Deux endroits étaient indiqués sur notre application désormais préférée. Pour l’un deux, MapsMe indiquait très clairement « bivouac à l’abri du vent ». On peinait à y croire, vu le plateau venteux sur lequel nous avions atterri. Puis finalement, entre 3 murs de pierre rose, à quelques mètres de la lagune, nous le trouvâmes, comme indiqué sur la carte. C’était parfait. Une poêlée pasta-légumes plus tard, et après avoir contemplé des nuages multicolores au-dessus de la lagune juste avant la nuit, nous rejoignions la tente. Comme d’hab, on était seules au monde, et on se les caillait (les mains) dans le vent qui ne faiblissait pas ce soir-là !




Le lendemain, nous avions prévu une étape plutôt courte, afin de nous préserver un peu. Nous partîmes donc sans nous presser. La route nous réservait encore de belles surprises, et nous prévoyions de faire autant de pauses qu’il nous plairait, pour profiter des beaux panoramas qu’on nous avait promis.

Après la lagune d’Aguas Caliente, vint celle de Tuyacito, balayée par le vent. Des dizaines de flamands roses y paressaient paisiblement. Il était encore trop tôt pour pique-niquer, on se contenta donc de quelques chocos pour patienter. Mais le temps s’était vraiment couvert, et notre petite étape avec plein de pauses au programme ne s’avéra pas si simple. Le vent qui souffle à 4000 mètres d’altitude sans soleil n’est pas propice aux pauses contemplatives. On se refroidissait vite, d’autant plus après les deux jours de montée qui nous avaient bien fatigué. Alors nous pédalâmes, sur cette grande route parfaitement bitumée, où jamais aucun véhicule ne passe. On avait ce monde sauvage rien que pour nous, et ne croisions que vigognes et autruches froussardes. Sous ce ciel peu engageant, c’était fascinant et terrifiant à la fois.



Assez tôt, nous atteignions le campement de l’ancienne mine d’El Laco. Nous avions lu que les gardiens des lieux accueillaient volontiers les cyclistes de passage. Seulement, après avoir patienté une bonne partie de l’après-midi devant le campement désert, point de gardien en vue. Quand la bise fut venue (ou plutôt devenue plus forte) nous nous trouvâmes bien dépourvues. Personne pour nous ouvrir les chambres aux lits douillets que nous apercevions à travers les fenêtres.

La seule compagnie que nous eûmes ce jour-là fut celle d’un renard des Andes, qui passait et repassait près de nous, feignant l’air désintéressé. Que c’était drôle, de le voir nous observer, se croyant caché derrière un monticule de terre ! Évidemment, on voyait sa paire d’yeux, et puis ses deux oreilles qui dépassaient allègrement de la cachette du siècle. #ellesnemevoientpas.

On avait froid, mais par chance, cette fois encore, on trouva l’endroit parfait pour la tente : l’entrée de l’un des bâtiments du campement était à l’abri du vent. Vive les tentes autoportantes, car même sur le béton, en quelques instants nous étions au chaud dans les duvets. Il était temps ! On était archi-naze, presque trop pour s’extasier du ciel flamboyant qui s’offrait à nous, et qui annonçait le retour du beau temps pour le lendemain.

Le lendemain, donc, grand beau temps. Campement toujours désert. On avait la pêche ! Quelques kilomètres nous séparaient du poste de police chilienne, qui précédait le fameux Paso Sico. Qu’elle était belle, la route sous le soleil ! Quelle descente, jusqu’au poste de police !
Et puis surtout, quelle surprise, d’être accueillies royalement au dit poste par le chef des lieux en personne ! Il nous proposait un lit pour la nuit, avec un intérieur tout confort, de quoi cuisiner et même une bonne douche chaude. Et nous qui avions dormi dans le froid, huit kilomètres plus tôt… « Vous n’avez pas peur des pumas ?? » nous avait-il demandé. « Euh, des pumas, vraiment ?! ».

Nous en apprîmes un paquet sur la gestion de la frontière par la police nationale chilienne. Leur travail consistait principalement à traquer les trafiquants en tout genre qui passaient la frontière un peu plus haut dans la montagne, à la nuit tombée. Ils avaient également la mission de neutraliser les mines encore nombreuses sur certaines terres alentours… Ils apprivoisaient aussi les renards des Andes, entre deux cyclistes de passage. Ce devait être une vie assez isolée, mais ils aimaient la beauté de leurs montagnes, malgré le vent et le froid. Il était trop tôt pour s’arrêter dormir, alors après avoir déjeuné dans leur salon à l’abri du vent, bientôt nous repartions à l’assaut du Paso Sico.
Le paysage était à couper le souffle, un salar d’un côté, un volcan aux couleurs rouge et or de l’autre, sur un fond de ciel bleu. Au milieu, la belle route parfaitement asphaltée s’apparentait davantage à une piste cyclable géante qu’à une route, tant le nombre de voitures croisées était insignifiant. La veille, nous avions vu passer trois véhicules sur toute la journée.






Après une dernière grimpette, non pas des moindres, nous rejoignions enfin le col, pour basculer vers l’Argentine dans un décor soudain changé, plus rocailleux, comme sur la lune (enfin, on imagine).

Quelques centaines de mètres avant la frontière Argentine, nous passions les 5000 kilomètres. Quelle émotion. C’était peu et énorme à la fois : cinq trajets Grenoble-Carantec, mais 0,013 fois la distance Terre – Lune… Puis, comme à notre arrivée en Bolivie, l’arrivée à la frontière nous réservait une petite surprise : « Ah, c’est de la piste ! ».
Les quelques kilomètres de washboard nous séparant du poste de douane argentine furent vite avalés. Ça descendait, et nous savions que là-bas, nous pourrions être logés, peut-être même prendre une douche. Ce genre de chose, après 2 bivouacs, ça motive ! #tusenspasbizarre ? Nous ne fûmes pas déçues. Passé les formalités de sortie et d’entrée de chaque pays, on nous conduisit à nos quartiers, sans même qu’on ait à demander si l’on pouvait passer la nuit dans le coin. On n’était pas les premiers cyclistes à s’arrêter là ! Ils mettaient à notre disposition un bâtiment de plein pied avec dortoirs aux confortables matelas, petite cuisine, et salle de bains, le tout avec chauffage et wifi, s’iouplait ! Ah, l’Argentine ! Avec nous, ce soir-là, Pim et Nienke, un couple de hollandais qui pédalaient en Amérique du Sud depuis presque neuf mois. Ils nous avaient suivi de près depuis le départ de San Pedro.
Les heures de repos à l’abri du vent et du froid furent bienvenues. Il nous fallait des forces pour ce nouveau pays, le dernier que nous traverserions pour rejoindre Ushuaïa. On avait fait du chemin, tout de même !
Le lendemain, le réveil fut matinal au poste douanier, pour ne pas partir trop tard. Il faut dire que l’on s’attendait à une piste horrible et à beaucoup pousser.

Les vingt premiers kilomètres étaient assez roulants et vite avalés, on longeait un salar aux bordures parsemées de genre de bassin, peut-être des salines ? Puis la piste se détériora, ces douces vaguelettes de terre qui n’évoquent en rien la mer, revenaient en force. Ces passages demandaient de la concentration, un peu comme sur un cheval au trot, mais au moins cette fois nous restions sur le vélo. A la pause de dix heures, Pim et Nienke nous rejoignaient, avant de nous dépasser pendant notre pique-nique au col. Ce fut un chassé-croisé tout l’après-midi, jusqu’à Olacapato.
Aaah Olacapato ! Charmante bourgade entourée de mines et centrales électriques, à la population accueillante et chaleureuse, aux rues animées et remplies de commerces de charme ! Non, sans rire, elle restera dans le « top 3 » des pires villages traversés, très austère, très hostile. Nous n’étions clairement pas les bienvenues à l’hôtel, qui ne logeait que des travailleurs. Après recherche infructueuse d’un deuxième hôtel, on atterrit dans une chambre partagée avec Pim et Nienke, louée à l’infirmière du centre de santé. « Best negociation ever », elle dit 1200, on répondit 1000, elle dit ok pour 800 ! Une bière, une douche et un repas plus tard, nous étions couchés dans nos lits superposés (que la dame avait fait monter juste pour notre venue, avec des matelas tous neufs) tous les quatre dans la petite chambre, c’était comme en colo !

Le lendemain, c’était l’anniversaire de Steph, ça y est, elle était trentenaire. Quelle joie de fêter ça à Olacapato ! Nous reprenions la route pour une longue montée sur le « ripio ». Au bout de quelques heures, nous débouchions sur un plateau verdoyant, où un troupeau de lamas profitait du soleil et de l’herbe. Oh, de l’herbe, c’était incroyable.
La montée jusqu’au dernier col, el Alto Chorrillo, à 4560m fut bien éprouvante. Après une progression interminable, nous fûmes accueillies au sommet par un coup de tonnerre accompagné de son ami l’éclair, autant vous dire que la descente fut efficace. Nous fuyions littéralement l’orage. Nienke et Pim étaient déjà loin devant, avec leurs jambes de feu. A une dizaine de kilomètres de San Antonio de Los Cobres, la grêle s’invita à la fête, c’en était trop ! On leva le pouce, et un pick-up plus tard nous étions rendues à destination. Grâce à ce joker, on avait atteint la ville en même temps que nos deux compagnons de route, et de fil en aiguille on se retrouva installés au même hôtel, où se reposaient déjà deux cyclistes argentins que nous avions croisé… à Quito ! Quel petit monde. Une fois installés et propres, il était temps de fêter l’anniversaire de Steph devant une boisson houblonnée. Feliz Cumpleaño !!!
San Antonio de los Cobres, bien que très touristique en raison du train qui s’y rend, n’est pas une ville charmante. C’est sableux, poussiéreux, caillouteux, un peu comme les villages boliviens. On y trouva tout de même un snack bien accueillant, qui servait les meilleurs hamburgers et pizzas que l’on ait pu goûter depuis longtemps. Et le cuistot, quelle crème !
Après un jour de repos, nous reprenions la route pour Salta. Nous avions longuement hésité à partir directement en direction de Cafayate, en passant par la mythique route 40 et son superbe col Abra del Acay… Mais le temps annoncé orageux toute la semaine, et la neige qui tombait là-haut chaque après-midi nous avaient aidé à choisir. Il fallait renoncer à un bel itinéraire, pour aller se frotter à la belle Salta.

Un dernier col à plus de 4000 mètres d’altitude, l’Abra Blanca, et ce serait la redescente, vers la vie et les odeurs du printemps, dans un océan de verdure, jusqu’à Salta, à 160 bornes de San Antonio. Après 30 kilomètres de descente, petite pause pique-nique, là où on pensait initialement passer la nuit. Ça descendait franchement bien, chiche d’atteindre Salta en une journée… Seulement, évidemment, le vent se leva, et bien de face, si bien que même en appuyant fort sur les pédales, et avec un pourcentage de descente conséquent, on ne dépassait pas les dix kilomètres/heure. La fatigue arriva vite.
Mais Pim et Nienke (encore eux !) nous rattrapaient bientôt, aussi fatigués que nous. Alors nous décidâmes de rouler à quatre. Et là, la magie opéra, et en faisant le petit train, nous attînmes les trente kilomètres/heure, malgré le vent qui soufflait toujours fort dans la vallée qui filait, interminable. Comme c’était grisant de rouler en équipe ainsi ! Alors que nous avions fait une croix sur notre projet de rejoindre Salta en un jour, en deux heures trente nous l’atteignions, au terme d’une étape d’anthologie, de 165 kilomètres, notre record.
C’était le point d’orgue de cette belle traversée Atacama-Salta par le Paso Sico, qui nous avait franchement émerveillé. On avait en plus gagné d’agréables compagnons de route pour les jours à venir, et surtout, on avait retrouvé la chaleur du printemps, avec ses arbres en fleurs, ses fruits, la douce vie dehors et les barbecues argentins. Après le Pérou, la Bolivie, le désert d’Atacama, on l’avait presque oublié. Quel bonheur !

Après 5.000 bornes, vous pensez pas que vos fesses durcissent plus que la selle ne se ramollit :p ?
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Haha pas tant que ça figure toi. Mais c’est vrai qu’avec le temps on perd en sensation… Ouf !
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